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La Terre est soûle (extrait) Léo Ferré

La Terre s'est carré du pernod dans la goule
Assassinée au zinc d'un café Vendredi
Ça devait être un treize où le destin s'aboule
La terre est soûle et prend son pied dedans mon lit

Des pieds d'hommes pensants lui brûlent la chaussée
C'est un boueux nommé Descartes qui l'a dit
Juste comme elle happait sa dernière lampée
En lui tâtant le gras : "Je pense donc Je suis"

La Terre s'est glacée et pue la ménopause
Les lunes reverdies aux chansons de Pierrot
Lui font la nique au bout du ciel qui prend des poses
Sous l'oeil mécanisé d'un kodak de rabiot

Elle est là dans mon lit suçant ma sérénade
A m'honorer du capricorne et du machin
Je l'ai prise à minuit sans heurt en camarade
Tel un marlou blasé qui rentre sa putain

Polaire nous a vus et fait des gorges chaudes
En détaillant ses vieux poumons en quinte flush
Le hasard aboli comme un taxi maraude
Les dés étaient pipés monsieur c'est pas du bluff

Le hasard c'est bien çavêtu de houppelandes
Il vous arrive tout de go comme un parent
Et vous suce la vie alors qu'on ne demande
Qu'un peu de pain mortel mouillé d'un peu de sang

La Terre a mis son cul à l'air dans mes alpages
Ses linges maculés d'humaine déraison
Sèchent tranquillement tringlés sur les nuages
Où campent désormais ma viande et mes violons

Pour trisser dans l'azur mes jambes migratrices
Moi je prendrai la quatrième dimension
Des tickets au rabais détachés des solstices
Me feront des soleils pénards et du charbon

J'irai dans les bazars fourguer des longitudes
Quelques mètres d'azur violé en plein trottoir
Et des larmes séchées au vent des servitudes
Tout en faisant du porte à porte vers l'espoir

Je porterai l'habit comme moine sa robe
Moi l'amant de la Terre à mon désir pendue
Dans mon lit sous mon joug j'y jouerai des globes
A lui faire oublier de se laver le cul

D'autres lui repeindront sa grille de frontières
La Terre a ses anglais on lui met des bandeaux
Ça tombe à pic mes cons les menstrues me libèrent
Un sexe immaculé qui s'ennuie sous ma peau

Viens par là garce impie écarte tes serviettes
Donne-moi tes jardins que j'y morde à crever
Tes fleurs peuvent faner mon ventre s'y reflète
Colle-t-y sacré nom d'un chien tu peux rêver...

Et la Terre rêva comme une femme soûle
Hoquetant ça et là des violette(s) en paquets
Que son copain le vent empanaché de houle
Venait de temps en temps lui souffler au cornet.

Léo Ferré "Poètes vos papiers" - Extrait -


 

Tag(s) : #Dans mon grenier, #Léo Ferré
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