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Âme et corps ligués ensemble
comme deux gardiens qui veillent devant le jardin
où mûrissent les figues
mais l'un est aveugle, l'autre paralytique
Ce n'est que lorsque l'aveugle
prend le paralytique sur son dos
qu'ils peuvent cueillir les figues
Sur les traces de ces amants
qui pour une parole d'amitié
abandonnèrent Boukara et Samarcande
ils cherchaient le parfum suave des hennés
dans l'oasis d'Engedi
Ils échangeaient
toutes les richesses du monde
pour la merveille d'un épi
Le serment solennel aujourd'hui brisé
tu ne peux pas en recoller les miettes
Peut-être était-il une cruche
à laquelle nous bûmes ensemble
et l'anse à son encolure
était ton bras sur mon épaule
On voit encore la moitié d'une inscription
("... et à titre de garantie...")
et, par dessus, le vernis bleu turquoise
d'un ciel
qui garde son mystère
Ces deux êtres
un dieu pour une fois amical les conduit
l'un vers l'autre
Le vent semble les porter
il n'a pas encore changé d'avis
pas encore bifurqué
C'est à l'amour qu'ils succombèrent
c'est un mot qui les brise

Et si toute chose en ce monde
a une fin
et si un jour
il n'y a plus de Terre
des atomes subsisteront
Cet amour que tu tiens en éveil
(et que tu offenses)
prolonge en toute discrétion
son existence -
Que notre Démon le protège

Toute ta vie ta principale occupation
fut l'amour - tu en fus le prisonnier volontaire
mais il te libéra
tu étais courbé par sa faute
mais il te redressera
tu étais aveuglé à cause de lui
mais il ouvrit les yeux à l'aveugle
toi docile à ses désirs toute ta vie
pour rester avec lui en ce monde

C'est un mystère - toutefois
Aphrodite en détient la clé -
qu'une vague te souhaite la bienvenue
alors qu'elle se brise sur toi
t'emporte et t'abandonne
comme une épave
à la lisière d'un autre monde
une fois fugitivement aperçu jamais oublié
à la vue d'un visage
qui est la vraie cause de ton errance

Montant des jardins de la mer où il était enfoui
quelle sorte de désir te pousse
quel attachement
à faire cortège au navire
à monter en flèche vers la surface
à échapper à la pesanteur
L'arrogance de l'étrave te plaît
la musique de la proue t'entraîne
tu n'as pas de route propre
tu dois seulement suivre ce vaisseau
maintenant - tous les jours

Il y a des voyageurs
que la vue d'un beau visage
amène à cesser leur errance
Toi tu es sans arrêt
recherché par un Autre que toi
livré au règne de la lumière
qui t'induis en erreur, t'égare,
te pousse à te créer
un monde à toi

Je repense toujours
à la vie que nous menions en commun
nous passions une partie de l'année
dans la steppe, près des fleurs du désert
Comme toi Perséphone nous connûmes la lumière
pourtant aussi de bonne heure les ombres
A présent l'année ne nous appartient plus
elle s'est détournée de nous
nous savons désormais ce qu'est l'Hadès -
c'est un pays étranger

Tu entendis parler du piège
du filet dont on ne peut plus s'échapper
L'infortune présente est d'une autre sorte
ton Eros limite ses chausse-trappes
à une résignation insouciante
Ton compagnon vaque avec discrétion
à ses occupations du jour
pourtant il n'a pas oublié une île
de l'autre côté du monde -
Cypris nous a mal préparés
à notre amour

   Cyrus Atabay Extrait de Les lignes de vie (Die linien des lebens)

Tag(s) : #Cyrus Atabay, #Dans mon grenier
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