LA GRÂCE DES LIEUX DÉSERTÉS
Pour Azizeh
Il y a des étendues
qu'il te faut parcourir
des jours durant,
puis tu arrives à une barrière
de montagnes couvertes de neige;
si tu les escalades jusqu'à un col,
au sommet de ce col tu verras
une deuxième plaine
avec une deuxième barrière
de montagnes couvertes de neige au loin,
et tu sais bien que derrière ces montagnes
il y a encore une plaine puis une autre
et ainsi de suite à jamais.
Ainsi tu seras toujours en chemin
sans te soucier du comptes des jours,
et quand tu arriveras en un lieu
où il y a des arbres et de l'eau qui court
tu appelleras cela un jardin.
Des tulipes sauvages
poussent sur les coteaux,
les blanches, au parfum suave,
et les jaunes, qui ne sentent rien,
mais sont d'une forme aussi nette
que celle d'une coupe
dont un dessinateur a tracé les contours,
en se fiant seulement
à l'exactitude de savue.
Ici la lumière
est une chose vivante,
aussi variée que les humeurs de l'homme
et juste aussi difficile à capter.
Le mur d'argile effrité
qui entoure ton jardin
ses brèches laissent voir
la campagne alentour
striée de routes blêmes qui se croisent
sur lesquelles déferle par vagues
la couleur du souvenir
comme le rouge vient à un visage.
Qui donc, qui donc, chante la huppe,
nous libèrera, nous assiégés ?
Nous n'avons qu'un bastion
d'églantines
pour nous défendre du temps.
Cyrus Atabay
Extrait du recueil Plan de la ville de Samarcande