Je n’ai pas d’ailes d’albatros,
Ni deux trous rouges au côté droit.
Je n’ai pas de sanglots longs des violons,
Je n’ai pas d’oreille pour écouter la grande voix du temps.
Je n’ai pas de rose ni de réséda,
Je n’ai pas de sapristi ni de caramba
Je n’ai pas de désir qui s’accroît quand l’effet se recule…
J’ai encore bien moins un blanc linceul
Sur des arbres dépouillés.
Je n’ai pas de feuilles qui tombent en tournoyant
Ni de gazouillement d’allégresse,
Ni de cul, ni de fesse.
Mais j’ai des enfants qui cherchent de la ferraille
Dans les décombres des bombardements.
Mais j’ai des jardins ouvriers à l’ombre des baraquements.
J’ai un quartier de grimpettes et de côtes.
J’ai une fontaine au milieu du sentier,
Des souvenirs de seaux d’eau et de brocs.
J’ai des souvenirs de topinambours et de rutabagas.
J’ai des mémoires de bottes derrière des volets fermés,
De caves peuplées de voisins loquaces ou muets.
J’ai des divans éventrés et une veilleuse à huile,
Dernière petite flamme de la liberté.
Jean-Claude Mahy