Les nymphes sont installées sur le rebord de la vasque de la fontaine.
Les unes rajustent leur chevelure sur le miroir d'eau, les autres folâtrent et se jettent des poignées d'eau sur la frimousse et les seins.
Plus loin, les gouttes d'eau anthropomorphes se couchent dans le lit de la rivière.
Solitaires ou par couples, les jeunes amoureux sommeillent éparpillés autour de la fontaine.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
que peigne Vénus Hottentote.
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
Font dodo à la belle étoile
Ou à l'enseigne de la lune
Ou à l'hôtel des quatre vents
Ou à l'auberge du bon
Dieu.
Non que le long des francs bords des cours d'eau
Les lieux couverts où pernocter fassent défaut !
VÉNUS
HOTTENTOTE
Il y a les bateaux-lavoirs
Et les moulins à l'abandon.
YAMUBA-PIED-MENU
Les arcades des aqueducs
Et les chalands mis au rancart.
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
Sans oublier les gabions de chasseurs
Les grottes des temps primitifs
Ni surtout la maison de
Jeanne.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Seulement quand le cœur s'embrase
Entre les draps soyeux de la reine des nuits
Et que sur les épaules de la bien-aimée
Coule une ardente chevelure de comète
La volupté a des manières scrupuleuses
Et les caresses qu'on échange se vouvoient...
Un unique inconvénient
Dans ce genre de résidence :
L'abaissement du thermomètre.
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
Y obvient avec une aisance remarquable,
Ils sautent carrément les mois
Les mois lâches et imbéciles
Qui chaque année donnent asile
Au froid...
Quelques pas d'élan et hop là
De septembre on passe en avril
Du dernier ramoneur gesticulant en noir
A la première primevère
«Je n'ai jamais aimé que vous »
Ils se reprochent ce faisant
D'escamoter du coup le gui l'an neuf,
Les grandes orgues de
Noël
Et le vieillard munificent à barbe blanche
Mais les enfants dont s'amourachent
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
Ne reçoivent point de cadeaux
Faute d'être assidûment sages
Et leur bonheur ne se tient pas dans ces parages.
Deux chats,
Maître Mitis et Grippeminaud,
entrent encore tout engourdis de sommeil.
Ils finissent de se chausser.
MAÎTRE
MITIS
Moi je suis le potron
Minet
Foin de jour sans potron
Minet !
GRIPPEMINAUD
Moi je suis le patron
Jacquet
Foin de jour sans patron
Jacquet !
MAÎTRE
MITIS
Potron !
GRIPPEMINAUD
Patron !
MAÎTRE
MITIS
Minette !
GRIPPEMINAUD
Jacquette !
MAÎTRE
MITIS
Moi je rime avec baronnet
Avec jeunet, avec finet !
GRIPPEMINAUD
Et moi je rime avec coquet
Avec muguet, avec bouquet.
maître mitis aux nymphes.
Il oublie que patron
Jacquet
Rime aussi avec foutriquet.
grippeminaud aux nymphes.
Il oublie que potron
Minet
Rime aussi avec sansonnet.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Les matous sortent de leurs gonds.
VÉNUS
HOTTENTOTE
Leurs regards jettent feu et flammes.
YAMUBA-PIED-MENU
Maître
Mitis fait le gros dos.
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
Et
Grippeminaud se hérisse.
Les matous sont près de bondir l'un sur l'autre et de régler leur différend à coups de pattes et de dents.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Il faut à tout prix éviter la rixe.
Elle pose l'index sur le front en signe de réflexion.
Communiquons à chacun d'eux
L'adresse d'une famille de rats.
Maître
Mitis,
Maître
Mitis !
Le chat s'approche d'elle.
Elle lui parle à l'oreille.
Au pied du quatrième arbre en aval.
Le chai s'éloigne à toute allure.
Grippeminaud,
Grippeminaud !
Même manège.
Au pied du quatrième arbre en amont.
Le chat s'en va du côté opposé.
La nymphe souriant aux trois autres :
Les adresses sont fausses naturellement...
Une alouette huppée entre en tirelirant.
L'ALOUETTE
Tire lire tire lire lire
Tire lire tire lire
Ion.
Foin de matin sans tirelire.
Elle se penche sur la vasque et buvotte.
LE
CHŒUR
DES
NYMPHES
Huppée,
Parlouse ou
Locustelle
Ou
Cochevis ou
Rousseline
Ou bien
Pipele, ou bien
Lulu,
Alouette gentille alouette,
Alouette nous t'attraperons !
L'ALOUETTE
Tire lire, tire lire lire
Gentes nymphes que me ferez-vous ?
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Moi je t'arracherai les ailes
Pour grimper au septième ciel !
VÉNUS
HOTTENTOTE
Moi je t'arracherai les pattes
Pour en fabriquer des grigris.
YAMUBA-PIED-MENU
Moi je t'arracherai les plumes
Pour peindre des kakémonos.
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
Et pour gratter mon calumet
Moi je t'arracherai le bec.
Elles se précipitent vers l'oiseau qui se juche sur un mascaron de la fontaine.
L'ALOUETTE
Pas avant que le ciel ne tombe
Pas avant que le ciel ne tombe
Elle tirelire deux ou trois fois encore et tire un trait jusqu'au zénith.
LE
CHŒUR
DES
NYMPHES
La mauviette, c'était pour rire...
Perché sur la dernière corne de la lune le coq
Brahmapoutre picore
les premiers grains de lumière.
LE
COQ
BRAHMAPOUTRE
Cocorico, cocorico,
Le coq
Brahmapoutre c'est moi.
Foin de jour sans coq
Brahmapoutre.
Cocorico, cocorico,
Quoi qu'on en dise je préfère
La perle au moindre grain de mil.
Je me plais à rendre service.
Souvent, je m'arrache la crête
Pour l'offrir à des communiantes
En quête de coquelicots.
S'adressant aux nymphes :
Des communiantes ou des nymphes...
La nymphe de la mer
Baltique,
Par quatre fois il s'arrache la crête et la lance aux quatre nymphes.
La Vénus Hottentote,
Yamuba-Pied-Menu,
Egérie Tomahawk.
LE
CHŒUR
DES
NYMPHES
Mille mercis coq adroit et matois
Et
Brahmapoutre en outre.
LE
COQ
BRAHMAPOUTRE
Cocorico, cocorico.
Tous les cocoricos des alentours
Sont nés de ma gorge tonnante
Tous les coquelicots de ma crête incarnat.
Chaque fois que le vieux de la montagne
S'approprie le coq de l'église
Je me mets à la disposition du curé
Et j'accepte d'être vissé
Sur le clocher en attendant qu'on ait
Coulé le nouveau coq de bronze
Que le vieux accaparera.
Mon désir de me rendre utile
Ne va néanmoins pas jusqu'à me faire agir
Dans le sens du petit lapin oriental
Qui se faisait cuire lui-même.
On a beau me chercher partout
Quand il est question de sacrifier
Un coq à
Esculape et nul ne me verra
Jamais spontanément me mettre
Dans la cocotte d'Henri quatre
Le tenant de la poule au pot.
Du temps que j'attachais de l'importance
Aux vaines fumées de la gloire
J'ai livré maints combats de coqs
Et terrassé maints crève-cœur
Nègres soie et coucous de
Rennes
Cocorico, cocorico
Ceci soit dit sans vanité.
Les nymphes déambulent au milieu des jeunes amoureux endormis.
Au loin sonne le premier coup des matines.
LE
CHŒUR
DES
NYMPHES
Frère
Jacques
Frère
Jacques
Dormez-vous
Dormez-vous
Sonnez les matines
Sonnez les matines
Ding, ding, dong
Ding, ding, dong.
Entre en voltigeant le spectre de
Corne d'Aurochs grimé en musicien de la
Samaritaine.
Il tire de son chalumeau rustique les plus déplorables flonflons qui aient jamais écorché des oreilles.
Il joue ensuite le réveil militaire et le chante.
LE
SPECTRE
DE
CORNE
D'AUROCHS
Soldat lève-toi (ter)
Bien vite
Soldat lève-toi (ter)
Bientôt.
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau sortenl un à un du sommeil, qui bâillant, qui s'étirant, qui faisant le gros dos, qui se frottant les yeux.
Ils conspuent le spectre, l'injurient, le sifflent.
Ils lui lancent des épluchures à la tête.
DES
VOIX
Sortez-le
Chassez-le
Noyez-le
Pendez-le
Confisquez-lui son chalumeau rustique,
Envoyez-le à la caserne.
Haro.
LE
SPECTRE
DE
CORNE
D'AUROCHS
C'est bien je regagne mon tertre funéraire
Les vivants ne savent plus goûter l'ironie.
Il s'enfuit en voltigeant sous l'averse de jurons et d'épluchures.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
les yeux au ciel.
L'aube, l'aube, le soleil.
VÉNUS
HOTTENTOTE
Il enjambe la colline.
YAMUBA-PIED-MENU
Il plonge dans la ravine.
EGÉRIE
TOMAHAWK
Il inonde la vallée.
Les nymphes flagellent à coups de fleurs les jeunes amoureux qui tardent à se lever.
LE
CHŒUR
DES
NYMPHES
Point de lard engeance apathique.
Les êtres qui se lèvent tard sentent le rance.
A la rivière à toutes jambes
A la rivière, au bain, au bain.
Les jeunes amoureux se prêtent volontiers aux exigences des nymphes et vont faire leurs ablutions sur un petit morceau de plage pompeusement nommé
Deauville à cause d'une ou deux pincées de sable.
La nymphe de la mer
Baltique parodiant la coutume militaire fait l'appel.
Elle lit les noms inscrits sur une feuille de lierre géante.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Huon-de-la-Saône.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Le vieux prophète de
Cormeilles.
UNE
VOIX
Présent !
LA NYMPHE DE
LA MER BALTIQUE
Le factotum
Jean-Pierre !
une voix
Présent!
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Le charmant disciple d'Apelle,
Mademoiselle
Trois-Etoiles.
une voix
Absents ils accourront guilleret, guillerette
Quand ils auront fini de se conter fleurette.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Robin-pëche-en-eau-de-boudin.
une voix
Présent !
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Je vois le nain
Onguent-Miton-Mitaine
Je vois la fille du passeur d'Adam
Je vois
Fanchon, je vois
Aline
Je vois...
Tandis que la nymphe continue son appel et que les
appelés vont se jeter à la rivière, entrent les gouttes d'eau anthropomorphes.
LES
GOUTTES
Un', deux, trois
Quatre gouttes
Quat', cinq, six,
Le ruisseau...
Six, sept, huit,
La rivière
Huit, neuf, dix,
L'océan
Dix, onz', douze,
Le nuage.
Un', deux, trois,
Quatre gouttes.
Les jeunes amoureux font leurs ablutions sous le regard attendri des nymphes.
Quelques jeunes amoureuses sèchent assises dans des nénuphars.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
O cette gouttelette bleue
Sur le nez d'une bien-aimée
Assise dans un nénuphar.
un jeune amoureux à sa bien-aimée.
Les baisers appris avec toi
Je les sais sur le bout de l'ongle
Les baisers appris avec toi
Je les sais sur le bout du doigt.
LE
CHŒUR
DES
JEUNES
AMOUREUX
Les baisers appris avec toi
Je les sais sur le bout de l'ongle
Les baisers appris avec toi
Je les sais sur le bout du doigt.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Un pinceau à travers la bouche,
Un pinceau à travers le cœur
Et suivi de
Mademoiselle
Trois-Etoiles
Arrive à l'impourvu
Renot
Le charmant disciple d'Apelle...
Le voici qui de but en blanc
Plante son chevalet sur l'eau.
—
Cher homme, il s'inquiète si peu des convenances
Et traduit l'ombre d'un baiser dans son langage,
Image hors ligne et hors commerce il va sans dire.
Les jeunes amoureux s'ébattent à tel point que la plupart des plantes et des animaux aquatiques projettent de s'expatrier.
Les nymphes courent après les cygnes, les canards, les libellules, les poissons et les moucherons qui s'enfuient et les ramènent à leur place.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
aux animaux.
Ne craignez rien, fragiles bêtes
Que leur turbulence effarouche
Ils sont parfaitement honnêtes,
Ils ne sauraient faire de mal à une mouche.
S'il arrive par aventure
Qu'une
Aline ou qu'une
Fanchon
S'établisse à cheval sur une libellule
En partance pour le point culminant des joncs
Ne criez pas à la crapule,
Ce n'est jamais sans le gré de l'insecte...
A peine si ces frêles sylphides au reste
Pèsent quatre grains de scrupule ;
A l'égard de la densité
Elles ont tant de parenté
Avec la gaze et l'amadou
Que les bonnes mamans
Des vilains garnements
Qui se blessent à tout
Bout de champ les genoux
Dans leurs ébats
Acroba-
Tiques
Envisagent parfois de les accommoder
Au pansage des
Ecorchures.
En l'occurrence, je vous jure
Leur vie ne tient plus qu'à un fil
On a du mal à les arracher au péril
Les empêcher de finir en charpie
Sous les griffes de ces harpies.
LES
VILAINS
GARNEMENTS
Bonnes mamans on est blessé
Bonnes mamans on est tombé
Sur un tesson de bouteille.
LES
BONNES
MAMANS
Ah mon
Dieu !
LES
VILAINS
GARNEMENTS
On va mourir bonnes mamans
Conservez vos petits enfants.
LES
BONNES
MAMANS
Par les dents gâtées qui nous restent
Et par le sang de
Jésus-Christ
Il nous faut arracher ces enfants à la mort.
Elles viennent d'apercevoir
Aline et
Fanchon qui s'avancent légères.
Voici venir de la gaze qui marche.
Elles se ruent sur les deux jeunes amoureuses, leur passent des crocs-en-jambe, les jettent à terre et entreprennent de les réduire en charpie.
ALINE
ET
FANCHON
se débattant désespérément.
Ohé ohé les jeunes amoureux
Venez nombreux, venez bien vite
Sauver
Fanchon
Sauver
Aline
Leur vie ne tient plus qu'à un fil
Atropos ouvre ses ciseaux
Ohé, ohé les jeunes amoureux
Venez nombreux, venez bien vite
Sauver
Fanchon
Sauver
Aline,
Leur éviter de finir en charpie
Sous les griffes de ces harpies.
Les bonnes mamans s'acharnent sur leurs victimes.
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Du pied du col de la
Furka jusqu'en
Camargue,
Des
Pyrénées espagnoles jusqu'à
Royan,
De
Saint-Germain source
Seine jusqu'à
Honfleur
Et du mont
Gerbier-de-Jonc jusqu'à
Saint-Nazaire,
Ainsi que de n'importe où jusqu'à n'importe où
La nouvelle s'élance comme un ricochet,
Le vent l'emporte sur ses ailes
Et la passe à un marinier.
VÉNUS
HOTTENTOTE
Le marinier la prend dans sa péniche
Et la passe à un éclusier.
«
Aline et
Fanchon tirent à leur fin. »
YAMUBA-PIED-MENU
L'éclusier la passe au meunier «
Aline et
Fanchon tirent à leur fin. »
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
Le meunier la passe aux oiseaux
Qui séjournent sur son beffroi
«
Aline et
Fanchon tirent à leur fin. »
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Et les oiseaux s'en vont à tire-d'aile
Porter partout la terrible nouvelle.
Les nymphes imitent le vol et le cri des habitants du ciel.
LE
CHCEUR
DES
NYMPHES
«Aline et Fanchon tirent à leur fin
Aline et Fanchon tirent à leur fin. »
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
S'arrêtant de danser dans l'eau
Ou de faire des ricochets
Ou encore de chevaucher des demoiselles,
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
A pied, à cheval, en péniche ou à la nage
Convergent sans retard vers le champ de carnage,
Apportent le salut aux agnelles pascales,
Les cajolent, leur font cadeau
Des meilleures pointes d'asperges
Et les ayant assises dans des nénuphars
Ils font des ricochets pour leur être agréables.
Alors corrompu à prix d'or
Par les zoomanes séniles
De la
Société protectrice des animaux,
Le mercenaire à tant le mot
De la gazette des scandales
Glisse dans la cervelle atone
Des fidèles de ses colonnes
Une calomnie de nature
A jeter la défaveur sur
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
Sans fiel au demeurant envers les bêtes
Sans en ôter un iota,
Voici l'archétype des contes
De ma mère l'oie que le scribe
Verse à torrents sur ses pratiques.
La nymphe déplie la feuille publique et lit à haute voix : «
Les fléaux du genre équidé. »
Elle s'adresse aux jeunes amoureux :
C'est vous mes petits « les fléaux ».
Elle lit :
«
Les fléaux du genre équidé »
Soit notoire à chacun que ces jeunes barbares
En rupture de préhistoire
Ces jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
Sous l'ombre de l'hydrographie (sic)
Sous le couvert du ricochet
Déciment nos chevaux des chemins de halage.
LA
NYMPHE
abaissant le journal.
Notons qu'à ses repas le scribe est hippophage.
Elle lit :
On ramasse une pierre plate,
—
Une de ces pierres qu'à l'âge
Paléolithique on taillait
En vue de fabriquer des haches —
On prend un œil d'agneau sans tache,
On fait semblant de viser la surface
De la rivière... et le coup part
Et comme par hasard,
Comme par
Maladresse, le projectile
Va traverser de part en part
Le flanc d'un mammifère périssodactyle
—
Faut-il pas mériter les sommes rondelettes
Venant de la boite à
Perette
Le trust des marchands de péniches
Automobiles
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
brandissant la gazette :
Et d'étayer avec sang-froid
Ce procès-verbal inexact
De documents photographiques
Où le prétendu point d'impact
Est signalé par une croix
Elle jette la gazette.
Et d'interviewer pour la frime
Quelqu'une de ces prétendues victimes
Séduites l'on s'en doute
A coup de
Picotin,
A coups d'ignobles dithyrambes
Par exemple : «
Votre crottin
Même en jouant dessous la jambe
Fait du meilleur engrais que celui du voisin
Le cheval de l'Apocalypse. »
Les balourds
Les individus faits à la diable,
Les figurants,
Les pupazzi,
Les « regardez-moi quand je passe »
Les pleins d'eux-mêmes à leur place
Se dresseraient sur leurs ergots
Et députeraient tout de go
Leurs témoins au sale
Jacquot
Colporteur d'échos
Apocryphes,
Dispensateur de coups de griffes
Ternisseur de réputation...
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau
Ne prêtent aucune espèce d'attention
Aux cris publics, aux riens sonores eux
La bouillie pour les chats leur est inférieure
On ne s'amuse pas à mettre
Flamberge au vent devant un gendelettre
Quand on a les grandes eaux de
Versailles
Dans la tête.
Remue-ménage, tohu-bohu, clameurs parmi les jeunes amoureux.
Visant à méduser les jeunes amoureuses
Qui écrivent sur l'eau, les jeunes amoureux
Qui écrivent sur l'eau font quelquefois semblant
D'être de méchants cachalots
Venus des lointains océans
Décimer la gent des sirènes.
VÉNUS
HOTTENTOTE
Après s'être plongés au fond
Ils remontent à la surface
Avec un bout de goémon
Collé à la hâte à la face
En manière de moustache de cétacé
—
Ces monstres n'ont pas de moustache et on le sait.
YAMUBA-PIED-MENU
Lors fendant l'eau jusqu'à la grève
A grand renfort de grimaces horribles
De singuliers reniflements,
Ces cachalots nageant l'over arm stroke
Et la nage de la grenouille
Et celle du simple toutou
Vont dévorer voracement
Les pieds menus des filles d'Eve
Assises dans des nénuphars
Et leurs ébats provoquent des raz de marée.
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
Du fait les pécheurs orthodoxes
Les considèrent comme des salops
Ou, pour être plus véridiques : des cochons
D'abord parce que ça rime riche avec bouchons
Et puis à cause des difficultés sans nombre
Qu'ils trouvent à s'accommoder
Sur l'orthographe du vocable
A double forme qu'est « salaud ».
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Les uns penchent pour « op »
Et les autres pour « aud ».
VÉNUS
HOTTENTOTE
Certains mêmes, des patapoufs
Qui décidément penchent trop
YAMUBA-PIED-MENU
Finissent par tomber dans l'onde en faisant « plouf ».
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
La fille du passeur d'Adam, le lendemain
Ramène leur cadavre au bout de son harpin.
les pêcheurs penchant pour « op ».
C'est à cause du féminin ;
Tandis que salaud fait salaude
Salop faisant salope est plus péjoratif.
les pêcheurs penchant pour « aud ».
Plus péjoratif, c'est hors de conteste,
Mais infiniment plus agreste.
les pêcheurs penchant décidément trop.
Glou glou glou glou glou glou
Glou glou glou glou glou glou !
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
En marge des fanatiques
Du plaisir halieutique
Il se trouve un galopin
Qui se nomme
Armand
Robin.
Suivies des jeunes amoureux les nymphes approchent à pas de velours de
Robin-pêche-en-eau-de~boudin, lequel guette son bouchon dans le bief du moulin.
Il leur fait un signe qui peut se traduire par : «
N'amortissez pas le bruit de vos pieds; au contraire... »
LA
NYMPHE
DE
LA
MER
BALTIQUE
Il se trouve un galopin
Qui se nomme
Armand
Robin
Qui pêche pour rien, qui pêche
Pour rire et n'est pas de mèche
Avec les vieux polissons
Qui s'en prennent aux poissons.
VÉNUS
HOTTENTOTE
Plongeant dans l'onde sa ligne
Avec une joie maligne
II pêche, mais chut, motus
Tout un tas de détritus.
YAMUBA-PIED-MENU
Les bouts de bois, les savates
Les seaux
ÉGÉRIE
TOMAHAWK
les vieilles cravates
VÉNUS
HOTTENTOTE
Les pneus
YAMUBA-PIED-MENU
les cerceaux rouilles
LA
PILLE
DU
PASSEUR
D'ADAM
avec une pointe de jalousie.
Les cadavres de noyés.
HUON-DE-LA-SAÔNE,
LE VIEUX PROPHÈTE DE CORMEILLES,
LE FACTOTUM,
LE CHARMANT DISCIPLE D'APELLE
Ils scandent leurs paroles.
Un-jour-il-ra-mè-ne-in-tacte
La-co-pie-con-for-me-à-1'ac-te
Qui-pro-cla-me-er-d'en-bâ-ton
Dab-bonne-ne-An-dré-Bre-ton
Mern-bre-sous-ca-pe-à-l'an-glai-se
De-l'A-ca-dé-mie-Fran-çai-se.
JEANNE
DE
BRETAGNE
Quelquefois, pour se distraire
Le hasard type arbitraire
Accroche à son hameçon
Une sorte de poisson.
MADEMOISELLE
TROIS-ETOILES
Lors, ce galopin décroche
La pauvre petite
Loche
LE
CHARMANT
DISCIPLE
D'APELLE
Si c'en est une, bien sûr !
MADEMOISELLE
TROIS-ÉTOILES
Et la replonge en ses murs.
LE
CHŒUR
DES
NYMPHES
ET
DES
JEUNES
AMOUREUX
Afin de prouver qu'il pêche
Pour rire et n'est pas de mèche
Avec les vieux polissons
Qui s'en prennent aux poissons.
Les jeunes amoureux qui écrivent sur l'eau acclament chaleureusement
Robin-pêche-en-eau-de-boudin et le portent en triomphe.
Ils lancent des épluchures à la tête des pêcheurs orthodoxes se sauvant sous l'averse et vont participer à la ronde des gouttes d'eau anthropomorphes qui chantent toujours la même antienne, les quatre nymphes à cheval sur leurs épaules.
LES
GOUTTES
Un', deux, trois,
Quatre gouttes,
Quat', cinq, six,
Le ruisseau,
Six, sept, huit,
La rivière,
Huit, neuf, dix,
L'océan,
Dix, onz', douze,
Le nuage,
Un', deux, trois,
Quatre gouttes,
Quat', cinq, six,