Les oiseaux du ciel

Mais pour qui chantent-ils, les beaux oiseaux du ciel ?
Ils crient la louange de celles qui font leur miel.
Vers qui vont les gracieux vols des hirondelles ?
Elles volent vers celui qui n'a jamais besoin d'ailes.
Que veulent les étourneaux quand ils forment un nuage ?
Veulent-ils étonner le plus ancien des mages ?
Que disent les colombes qui roucoulent d'âge en âge ?
Elles disent la douceur au ruisseau qui coule sa nage.
L'été venu, tout crie, pépie, chante, piaille et bourdonne
Et huppe qui pupule, et mésange qui zinzinule
L'univers Orphéon vibre et frémit, stridule
Dans le ciel noir de soir, l'ombre gronde, et tonne.
Crépite une averse, soudain la foudre éclate
Pour ponctuer l'arc en ciel au couchant écarlate.
La nuit vient rouler la maison du bon berger :
Le grand chariot d'étoiles brouille les contours
Sa roue chante, andante, la partition du jour.
L'hymne à la vie, devient un chant d'amour
Mélopée assourdie dont la faible lueur
Accroît le mystère du nom secret de l'auteur.
Lancinante, la question hante encor tous les cœurs :
Mais pour qui donc chantent tous les oiseaux du ciel ?
Et pour qui l'infinie rhapsodie de la vie
Un puissant chant du monde musical et savant
Déploierait chaque jour sa changeante mélodie ?
Pour l' Apollon écroulé aux temples d'avant ?
Ou quelques autres des vaniteuses idoles
A qui aujourd'hui plus personne n'immole ?
A moins que le très craint nom imprononçable
Entende ce chant venir irriguer sa promesse
Comme au désert un puits fit fleurir le sable.
Alors, au pays de jadis où roucoula
L'antique colombe, l'espoir nouveau coula.
Qu'importe à nous ce que l'oiseau sait ou croit.
Pourvu qu'il joue encore son "La" haut dans le ciel.

Pierre Delcros