COMME JE DESCENDAIS LA RIVIÈRE IMPASSIBLE
Au fil des larges boucles, s'étirent, indolents
Éclats de berge scintillants, soleil hésitant
Eaux de Mars chuchotant au passage chuintant
De la chaussée usée du Pesquier, entonnant
Un chant déchu, l'hymne oublié des mariniers
D'Olt, des pêcheurs d'Avril et des fins peupliers
Qui frissonnent autour de l' ancienne chapelle
Et s'ennuient dans l' ïle, en amont de Lagardelle :
La Vierge y pleure jusqu'au mois des hirondelles.
Attendant le retour des bouquets d'asphodèles.
QUE VIENNE
Que vienne Mai de promesses, et Juin d'allégresses,
Le mirage argenté des saules. La brise caresse
L'air violet de l'angélus expire un soupir.
La nuit lumineuse finira par tout bleuir :
L’œil affreux du silure tapi dans son écluse
Et le cri de l'orfraie à la combe recluse.
AVEC MOI
Viens descendre avec moi l'impassible rivière
Buvant la romance que fredonnent ses pierres,
Bercés d'indolence, sur un esquif d'antan,
Voguons la nonchalance aux rives du temps ...
JAMAIS PLUS,
Nous ne remonterons ce chemin de halage :
Coulent, cruels les jours, les saisons et les ans,
Se vide notre buire, et séchons d'âge en âge.
S'en plaindre ou pleurer est aussi vain que le vent
Mais souvent l'être trop ce n'est pas être sage.
Autant que nous pouvons, demeurons souriants,
Immarcescibles, comme une rivière à l'étiage.
Pierre Delcros