BALLADE DE LA RIME JOLIE

Dites moi où, en quel pays,
S'est enfuie ma rime légère

Celle, qui aux règles obéit,
Que tout vrai poète vénère.

Elle sonnait son carillon d'or
Au fond de la forêt d'oubli.

L'écho le raisonnait dès lors,

Ce glas des souvenirs enfuis.

A la fontaine noire, de belle dame Mémoire
Cachées, muettes, sous le vert fouillis des buis
Les nymphes d'antan, tous les soirs s'en viennent boire.
Elles effacent les ruines d'un Parnasse écroulé
Et le songe du doux parfum fleuri d'ambroisie,
A la césure forcée, à la cadence annoncée,

Au noble alexandrin, il faudra renoncer

Ainsi qu'à la tunique empesée d'Aspasie.
Fraîche, se libérer de l'antique assonance
Pour danser sur la gaie chanson de l'insolence.

ET,

Rejaillir court vêtue,
Mutine et l'œil pointu
Se partager l'eau vive
Et offre son doux lit,
A la muse rétive
Pour un cœur revenu
Des neiges de l'oubli.

ENVOI
Prince, si, par chance, m'en croyez,
Grand jamais ne regretterez

Ni l'oubli, non plus le retour,
D'une jolie rime d'amour.

Pierre Delcros