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Epitre du divin Marquis à quelques dupes

Nous sommes devenus
économes

nous n’aimons plus
qu’à bon escient
ou avec circonspection
la vie nous a généreusement dotés
dans la gamme du sombre

et si n’était que la vie

mais la mort était fée
à notre berceau
nous devrons compter avec elle
écouter ses hérauts
recevoir ses émissaires
ukases et sermons

les entendre sans être dupe
prendre le risque du dégoût
tutoyer le prophète
et comme lui feindre

l’appeler seigneur
en hommage au mensonge incarné
nous faisant passer la corde au cou
du ciel
des créateurs qui s’y terrent
des créations qu’on leur attribue

parce que

nous avons préféré les créatures
là où il n’y a plus à choisir
nous ne choisissons pas

nous avons atteint ce carrefour
mal éclairé entre urètre et prostate
où se débat la vraie question
de l’être et du néant

la lancinante interrogation
portée par les vents glacés venus
des hauts plateaux tibétains
ou ceux saturés de sel de l’Altiplano

hablando y hablando
tanto de bardo y karma
tanto de bolsas y tetas
y mucho mas passando
hasta la suffocation

jusqu’à suffocation
par trop plein ou vacuité
en sautant
comme nous l’avons fait souvent
l’invisible mur
la bride par quoi
Gothard tient Canigou
en laisse et
de croix en chapelets
chapelles en bénitiers
sur le chemin de Compostelle
attente à la pudeur
d’un ciel rougissant


avec le marteau
avec le clou
avec nos yeux de déments
avec nos poignets douloureux
mais libres
nous clamons
et martelons que

il est grand temps

(mais pas n’importe lequel
de ce temps qu’on nous dit compté)

grand temps de convoquer
voire de soumettre à la question
le petit prophète perclus de visions

qui d’un pet violent et malodorant
au kilomètre cent du chemin de Damas
envoya au tapis pour le compte
Paul qui ne s’en remit jamais vraiment
se fit adepte du terrorisme épistolaire
et fut appelé le Haineux

il est temps d’intimer au prévenu
de donner sens à ses propos
et clôturer ici une fois pour toutes
non par une croix de bois
mais par mille de son sang
le martyrologue des femmes
la terreur des enfants
le récitatif des péchés
les Saint Barthélemy et Inquisition

trêve d’arguties et de jérémiades
si le ventre aujourd’hui
tant encore affole et tétanise

si la vie persiste à ne vouloir naître
qu’ où jaillit et frappe la mort
si l’extase fait basculer et s’inverser le ciel
dans les yeux des amants
pour qu’ils n’aient plus d’égaux
en profondeur
que les gouffres de la faute

si la nuit ne semble propice
qu’aux agonies et au blanchiment
du temps sale
qu’il soit affirmé enfin que
s’il n’est plaisir à la mesure de l’homme
il n’est davantage prophète à sa taille

je connais le prix des choses
ma solitude ne me désavouera pas
je suis seul et ne pense pas
c’est la vie qui me saisit
et vous parle

tous mentent dans l’érection
de leur chaos

sur l’oreiller
comme dans l’auge
à chacun sa Bastille

du divin marquis
je reste le dévoué

                CEA
 

Tag(s) : #Dans mon grenier, #Christian Erwin Andersen
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