La Révolution, c’est la France sublimée.
Il s’est trouvé un jour que la France a été dans la fournaise,
les fournaises à de certaines martyres guerrières font pousser des ailes,
et de ces flammes cette géante est sortie archange.
Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution ;
et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation
jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie.
Je le répète,
ne cherchez pas ailleurs le point d’origine et le lieu de naissance
de la littérature du dix-neuvième siècle.
Oui, tous tant que nous sommes,
grands et petits,
puissants et méconnus,
illustres et obscurs,
dans toutes nos œuvres,
bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient,
poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées
comme devant les foules du théâtre,
comme dans le recueillement des solitudes,
oui, partout,
oui, toujours,
oui, pour combattre les violences et les impostures,
oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés,
oui, pour conclure logiquement et marcher droit,
oui, pour consoler, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner,
oui, pour panser en attendant qu’on guérisse,
oui, pour transformer
la charité en fraternité,
l’aumône en assistance,
la fainéantise en travail,
l’oisiveté en utilité,
la centralisation en famille,
l’iniquité en justice,
le bourgeois en citoyen,
la populace en peuple,
la canaille en nation,
les nations en humanité,
la guerre en amour,
le préjugé en examen,
les frontières en soudures,
les limites en ouvertures,
les ornières en rails,
les sacristies en temples,
l’instinct du mal en volonté du bien,
la vie en droit, les rois en hommes,
oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne,
oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire,
du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné,
du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage,
de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné,
oui, nous sommes tes fils, Révolution !”
Victor Hugo