J’écris de ce pays tordu par de lointains fonctionnaires
J’écris sur les ruines des cités ouvrières
Sur les gravats dans les couloirs
Les échaudures dans les laminoirs
Sur les antiques et gais chemins de fer
Le ballast sous les pavés
La halte de Fumay, la rame de Givet
J’écris ce pays avec des mots ordinaires
Je ne patoise plus, ce n’est pas que je me résigne
J’invente les signes dans ce pays tordu
Par de lointains universitaires
J’écris sur ce pays de Meuse et j’écarte les villages fleuris
Les chapelles hideuses et les monuments pourris
J’écris ce pays avec des mots de fougère, avec des mots de colère
J’écris d’ici le langage du monde tiers
Des mots j’en ai plein les poches
Des mots patients d’Asie
Des mots dansants d’Ethiopie
Des mots sanglants d’Arabie
Des mots d’hémorragie
J’écris pour ce pays pour ces gens, ces pierres
Pour ceux que je croise dans la rue
D’ici ou d’ailleurs, si différents
Mais noués de la même atmosphère
J’écris sur ce pays tordu par de lointains ministères
Isolé du monde grégaire
Sur cette image d’Epinal de sangliers et de futaies
De forges et de fonderies de prairies et de cheval
J’écris sur ce pays nucléaire qui fuit vraiment en arrière
Future réserve forestière, retour à l’âge de pierre
Avec quelques Indiens en réserve
Une plume au derrière et une musique militaire !
Qu’on ne compte pas dessus pour se faire pardonner
Excusez, passez-moi le remord,
Les Erynnies*, l’obsession de la mort…
La bataille est perdue, mais pas la guerre.
Jean Claude Mahy