Jusant me vient, comme à la mer
ma vie reflue, en jaunissant,
je peux pleurer, je peux pleurer
Lui, joyeux, s'avance vers sa proie.
C'est moi Bui, la vieille diablesse de Beare ;
autrefois, toujours parée de neuf ;
aujourd'hui, misère m'étreint et j'erre
sans un haillon pour me couvrir la peau.
(...)
Pourquoi m'attristerais-je
d'un voile blanc sur ma tête ?
J'en eus tant, des châles de toutes teintes,
au temps où nous buvions de la bonne bière.
Je n'envie qu'une seule vieillesse,
celle de la plaine de Femen :
moi, mon costume est d'une vieille ;
elle, sa chevelure, moissons d'or !
La Pierre des Rois, à Femen,
la demeure de Rónán à Bregun,
depuis toujours la foudre a griffé
leurs joues ; mais le temps les épargnes.
La mer, je l'entends, son immensité qui crie,
j'écoute l'hiver qui soulève ses vagues ;
homme libre ou fils d'esclave,
aujourd'hui je n'attends plus personne.
Extrait de "Lamentations de la vieille femme de beare"
Anonyme du VIII siècle traduit de l'irlandais médiéval
Editions L'Escampette