En janvier 1930 est publié un célèbre et violent pamphlet intitulé "Un cadavre", dirigé contre André Breton, rédigé par douze détracteurs : Prévert, Desnos, Queneau, Boiffard, Bataille, Morise, Ribemont-Dessaignes, Vitrac, Leiris, Limbour, Baron et Carpentier. Ce pamphlet fut écrit en réponse au tract incendiaire éponyme, que Breton et les surréalistes avaient fait imprimer, six ans auparavant, contre Anatole France.
Voici la contribution de Jacques Baron à ce pamplet :
Ce bœuf n’était qu’une grenouille, ou plutôt un moustique. Il s’est dit révolutionnaire et poète. L’un portant l’autre, i a joué la violence. Comme un provocateur. Il est allé jusqu’à glisser dans la poche de ses anciens amis, qui l’avaient plaqués depuis longtemps, écœurés par ses manœuvres de vieux filou, le traditionnel paquet de cocaïne et le revolver, pièces à conviction (Voir les révélations du deuxième manifeste du surréalisme).
C’était l’intègre Breton, le farouche révolutionnaire, le sévère moraliste. Eh oui, un joli coco !
C’est lui qui envoyait ses copains aux ballets russes crier « Vive les Soviets ! » et qui le lendemain recevait à bras ouverts, à la Galerie surréaliste, Serge de Diaghilew venu y acheter des tableaux.
Il habitait une maison de verre disait-il. Cassons les carreaux et découvrons le cercueil plombé dans lequel il allait faire ses petites ordures.
Ce révolutionnaire était gonflé de paroles : ... même devant les idées que nous sommes sûrs de ne pas partager avec les autres et dont nous savons assez qu’à un degré d’expression près – l’action – elle nous mettent hors la loi… Voilà ce qu’il écrivait en septembre 1926. Il parlait pour lui. Cette vieille peau de tambour à toujours été à un degré près de la vie. Il a cru que vendre des fétiches nègres était une besogne subversive. Il amassait ainsi une coquette fortune et au moment même qu’il adhérait au Parti Communiste, on l’a vu faire le beau au casino de Biarritz.
Il a parlé du marxisme. Besogne de curé. C’était une nouvelle manière de vendre des tableaux qu’il déclarait « subversifs » (Pour lui tout était subversif). Ayant entrevu là, un bénéfice important il a écrit un livre moral : Le surréalisme et la peinture. Chantage. C’était l’époque de la galerie surréaliste. Il y défend les peintres qu’il y vendait. (Ainsi, il oublie Klee). A remarquer que la plus part des tableaux reproduits dans ce livre appartenaient à M. Breton.
Un fameux marxiste que ce Breton-là. Un marxiste qui joue au pocker avec le sâr Peladan et qui par ailleurs déclare : « Nous sommes de cœur avec le comte Herrman de Kayserling, sur la voie d’une métaphysique monotone : Elle ne parle jamais que de l’être un ou Dieu, l’âme et le monde se rejoignent, de l’un qui est l’essence la plus profonde de la multiplicité. Elle aussi n’est qu’intensité pure ; elle ne vise que la vie même cet in-objectif d’où jaillissent les objets comme des incidents. »
Esthète de basse-cour, cet animal à sang froid n’a jamais porté en toutes choses que la plus noire confusion. Marxiste comme il est Hégélien (à travers Benedetto Croce), comme il est poète, comme il est marchand de tableaux. Il s’est cru un génie parce que les voyantes le lui ont dit. Maintenant il est hors d’atteinte, tellement intègre… Moi, je m’en fous. Mais qu’il ne vienne pas plus longtemps emmerder le monde, avec ses prétentions ridicules. Ce noble cœur n’est qu’une larve plus pourrie que le dernier des petits bourgeois. Dernier héritier de la déliquescence symboliste, laissons le croupir dans son bourbier.
Quant à la littérature Bretonnienne, personnellement je ne m’y intéresse plus, mais je ferai remarquer qu’il a démarqué Mallarmé (Mont-de-Piété) Valéry (Introduction au discours sur le peu de Réalité-Nadja) Anquetil (deuxième manifeste du Surréalisme).
Mais il est mort. N’en parlons plus. Il s’est noyé dans le torrent de boue qu’il a soulevé.
Jacques Baron