Mme de Librétoile n’ose plus rentrer chez elle. Elle a peur des voiles d’étoile qui pendent mystérieusement jusqu’à terre. Une petite main grande tout au plus comme une idée de rêve lui tend mystérieusement ses doigts. Ils sont opale et elle a peur de la virginité qui est l’égale de la mort. Son mari l’oiseau-lyre chasse les pintades des nuages. Il sait que les nuages bleus contiennent des femmes adorables aux yeux verts, tandis que les nuages blancs contiennent des penseurs inouïs et des fleurs et les nuages roses des larmes et les nuages pâles des perles d’amour et les nuages mauves des lèvres de prophètes, mais les nuages noirs, les nuages du froid et du sang, sont les seuls qui contiennent les pintades étranges au geste parfait, celles qu’il veut pour expérimenter son besoin d’amour !
Ce sont de larges rêves que ceux que l’on fait en marchant dans les laves brûlantes du monde. Par instant jaillissent des météores hurlants, des êtres profanés de la souffrance ou des fantômes de femmes frêles et souriant quand même en souvenir de leur premier baiser – Un être jeune et plein de mystère. – Elles profilent leur ombre avec de grandes ombrelles faites par les ruisseaux et les violettes plus loin que toutes les dimensions connues. Une voix était près d’elles, plus près que l’oiseau-lyre :
" La Première rencontre de ces deux enfants de la poussière eut lieu dans le parc près des pois de senteur. Elle était grave comme ces femmes glacées sur la couverture des livres. Lui sentait grandir des désirs d’infini, tremblant au milieu de l’année de ses premières promiscuités.
L’infini, voyez-vous, monte sans lever les mains, alcyon de malheur, plus pur que le pain. À la première source, les anges achètent leur repas du soir ; pour ma part, je me nourris de moutarde en marchant sur la mer comme l’écume. Fatalité !
Le monde ouvre ses portes comme un manteau de fourrure. Une femme, un beau soir sur cette route d’algues, me parlait de clarté, mais ses yeux étaient pâles sous le volet de ses sourcils. La belle maison que cette main saignante au milieu de la mer. Pour frapper à sa porte j’ai une main de jade, car je gagne ma vie à perdre les sous de mon amour. Plus de détresses à craindre, plus de vices à soigner. Je n’ai jamais rien compris aux mots magiques des étoiles.
Je descends dans un monde bas comme le râle… "
Plus loin un cheval rouge buvait dans la lune les larmes du cheval d’argent qui n’était pas encore rentré.
Ce ne sont plus aujourd’hui les larmes qui vous empêchent de marcher, mais c’est la vie, l’étrange vie avec ses façades de métal et de fleurs. O Hommes de la lumière, Hommes de foi, comprenez-moi !
Je me suis promené toute la nuit dans cette rue maudite aux innombrables prophètes, cette rue qui est tout simplement maudite comme mes pas et comme mon pauvre cœur, ce dernier vestige de ma triste et médiocre existence. Ce bar sanglant ouvre son râle à mon désespoir. Voici les échafauds de chevelure que j’aime, ces nuques ciselées par des cheveux gris, ô parfum merveilleux de cette chair de femme absolument obscène. Vous tous alcools du jour au genre de madones, mes petites maîtresses à l’œil d’incendie !
Mais le plus terrible, ô peut-être, le smoking de mon ami sur le violon mon âme cet instrument désaccordé.
Cette chère atmosphère de fantômes à trois heures du matin et ces sourires crucifiant ma folle passion parmi les crachats.
O jamais, jamais ! Ma tête, ô ma tête !
Ici un personnage commence à pleurer. Tandis que reluit le soleil neuf des flammes de bougie dans l’antre phénoménal des glaces brisées au fond des souterrains d’une vallée lointaine. Il tremble, il s’émeut de ces sourcils qui régissent les merveilles du ciel. Un personnage qui se promène dans une forêt de jeunes filles. Ce sont tout simplement les fleurs de mes étoiles.
J’élève le débat s’il s’agit de l’amour. Ce n’est pas le premier visage pour lequel j’ai tourné les yeux, cette aurore boréale, cette aimable cendre au miel d’œillet et les doigts du soleil ces larves flétries d’un cœur maussade !
Nous sommes toujours le soir. Cherchant une élégance de folie j’avais envoyé à cette femme mes rêves dans du papier de soie ! Mes beaux rêves adorables et majestueux, Madame de Librétoile, nous en sommes restés là !
Mon ami habite un palais correct dont il fait les honneurs avec amertume. Nul repos ne trouble l’émotion de ces marbres. C’est la belle maison du désespoir à face de chien.
Il n’y a pas de journées qu’il ne médite sur l’ennui, car il n’est pas dans sa douceur des ricanements secs comme des bris de couteaux. Il porte un monocle qui lui renvoie à chaque minute l’image de sa destinée.
Destinée ! Destinée ! guide téméraire, as-tu donc jamais suivi les routes de roseaux le long des étangs de folie où sont ces petits poissons multicolores des innombrables plaisirs. Mais le plaisir lui-même, n’est-il pas couvert d’abcès, avec son manteau de nuage et ses ailes de vipère.
Le plaisir, n’avons-nous donc jamais su ce que c’est ?
Aujourd’hui 10 février 1925. Il ne s’est rien passé…
Je suis sorti dans une rue boueuse et tourmentée avec un éclair de défi dans toute ma personne et personne ne m’a répondu.
Au coin d’une impasse sordide, il y avait bien une femme adorable… Elle était habillée d’herbes folles et de myosotis et toute sa majesté renfermait la lumière, la lumière véritable, la seule lumière indispensable qui n’est pas l’imbécile lumière solaire qui trouble les rêves miraculeux, c’est-à-dire qu’elle était l’amour ! Elle était l’amour en personne avec ses étincelles de lavandes fraîches, belle matinée rieuse à l’affût des ruisseaux rêveurs. Elle était impassiblement belle, la seule route qui pouvait me convenir évidemment.
Aujourd’hui 10 février 1925, je suis devenu fou de malheur.
Ces jours-ci, l’existence nous a apporté son fracas quotidien. Les îles aux diamants bleus que nous rencontrons dans nos forêts vierges sont devenus d’inacceptables problèmes et tous les monocles des fils de la nuit sont brisés.
Nous sommes devant le procès de l’existence des choses mécaniques.
Nul n’abordera à cette rive de médiocrité s’il n’est auparavant muni de vêtements douteux. Mon vaisseau n’y abordera pas !
Mon vaisseau transporte de doux êtres pensifs. Il n’y a rien de plus agréable que ces personnages de légende à fleur de peau. Nous allons contre toute espèce de dégoût, amoureux de l’amour. Les cris qui surgissent derrière les vagues sont ceux des foules immondes qui refroidissent le cœur, mais à l’horizon que nous touchons du doigt il y a une petite lueur d’espoir et nos doigts deviennent de fictifs chemins ou de jolies majuscules sur lesquels vole l’absinthe en troupeau.
Mme de Librétoile vogue elle aussi dans ses diamants et dans ses robes majestueuses à traîne de nuit. Elle me fait des signes du haut d’un péristile de neige.
JACQUES BARON
Et cette lampe de chair et de bronze qu’on ne rencontre qu’en haut des rues, quand les maisons s’écartent pour mieux entendre l’air.
DÉDÉ SUNBEAM.