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ISABELLA (Emile Roumer)

Zémi cruel, aux mains de pourpre, ô Sagittaire,
ton visage impassible au crépuscule d’or
s’adresse, énigmatique, au ciel qui s’indiffère.

Ton visage impassible au crépuscule d’or,
la lagune émeraude où fume l’eau croupie
devant que l’horizon engouffre un soleil mort.

La lagune émeraude où fume l’eau croupie…
Oh ! la Ville si blanche aux tragiques couchants ;
et l’orgie et le sang et le viol impie.

Oh ! la Ville si blanche aux tragiques couchants :
dans l’air d’angoisse une cloche sonne pour vêpres
plus de bugles et de tambours battant aux champs.

Dans l’air d’angoisse une cloche sonne pour vêpres
et tinte comme un glas dans la morne cité
où pourrissent des cadavres mangés de lèpres.

Et tinte comme un glas dans la morne cité…
Sur des agonisants l’ombre des lauriers-roses ;
les manguiers sont en fleurs dans l’enclos déserté.

Sur des agonisants l’ombre des lauriers-roses
et des manguiers aux fruits gonflés comme des seins ;
des soldats gangrenés contre les portes closes.

Et les manguiers aux fruits gonflés comme des seins
balancent des pendus dans la brise légère.
Et tu souris comme bruissent des essaims,

Zémi cruel, aux mains de pourpre, O Sagittaire.

  (Emile ROUMER - Poèmes d’Haïti et de France)

Tag(s) : #Dans mon grenier, #Emile Roumer
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