Peu d’arbres fleurissent sans feuillage, peu de fleurs éclosent sans parfum et peu de fruits mûrissent sans pulpe- tu es le feuillage, tu es le parfum, tu es la pulpe du vieil arbre qu’est ma race, ô lambe. Ton nom rime bien avec jambes dans cette langue que j’ai choisie pour préserver mon nom de l’oubli, dans cette langue qui parle à l’âme alors que la nôtre murmure au coeur. Ton nom rime bien avec jambes avec les jambes que couvre ta finesse transparente; mais toi, tu rimes bien avec plusieurs autres choses dans ma pensée. Ton apparition rime avec les rochers, en Imerina, quand il y a fête et que la foule va sur les terrasses; avec les bandes d’aigrettes pacifiques qui viennent se poser sur les forêts de joncs dès que chavire le soleil. Avec la terre rouge qui nourrit les bambous; avec les huttes qui bordent les futaies- quelles ruches pleines de femmes-enfants? Quelles femmes-enfants enduites de graisses végétales?- avec le sable étincelant et les sources que cèlent les ronces, et toutes les beautés inconnues de l’île australe que tu animes enroulé sur les épaules des miens, ô lambe que j’ai délaissé mais qui m’envelopperas, à la fin, dans le silence de la terre d’où jaillira l’élan des herbes. Jean Joseph Rabearivelo