Force la grotte où marche le vent, source du parfum de l’aurore qu’il verse au seuil vespéral, et de la jeunesse des futaies lointaines qu’il cache dans la tendresse des herbes, et de la splendeur du soleil moribond qu’il ressuscite sur les collines prolongées. Vois-le en songe quand il commence à poindre et s’apprête à se ramifier comme une liane vivante; attends sur les rives des visions: à peine éclos, il apprend à voler puis déploie ses ailes comme un oiseau sauvage et vient s’égarer dans les vergers où il saccage fleurs et fruits. Quelle liane, et d’où surgie? La voici qui enlace tous les arbres: depuis les jamrosas parfumés, qui forment un buisson dans l’Est, jusqu’à la voûte des bougainvillées et l’élan des dragonniers qui ondulent sur les terrasses d’Iarive; depuis les mille coeurs des rosiers qui s’offrent au sommet des tiges vertes, et les gargoulettes des lys qui ne se s’ouvrent pas pour pouvoir recueillir la rosée des crépuscules, jusqu’à ces autres plantes sans nombre dont on ignore encore le vrai nom et que seuls vous connaissez, ô mes songes. Oui, jusqu’à ces cheveux qui tremblotent aux tempes de la vieille femme: dernières fleurs de ses jours perdus qui mendient un baiser au bord de la tombe- et jusqu’au lambe que la femme-enfant laisse traîner un peu en souriant et qu’elle agite dans le brouillard! -Et cet oiseau que tu ne vois pas mais qui te frappe le front et qui picore dans tes épaules et griffe jusqu’à ta nuque: quel oiseau est-il, l’oiseau du vent, cet oiseau ivre qui titube comme une roussette aux ailes déchirées? -Légendes et légendes, fables et fables. . . Innombrables sont les légendes qui peuvent forcer la grotte où a poussé cette liane vivante qui vient enlacer tous les arbres; innombrables, les fables qui entourent l’éclosion de cet oiseau immatériel qui tombe puis reprend son vol; mais il en est deux autres qui me paraissent neuves et que je n’ai connues que ces jours-ci: tournoyait derrière ma porte le vent humide de l’hiver, tournoyait comme nos enfants qui se cherchent et se cachent quand s’illumine l’automne; tournoyait avec violence comme un sanglier poursuivi, ou un boeuf sauvage: -D’où peut-il venir si ce n’est des forêts ou du désert? disais-je. Puis, lointaine et presque inaudible, plus rien qu’une rumeur comme en cèlent les coquillages: -Il vient de l’océan, disais-je, le vent. . .