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Celle qui va contre le vent l'épaule courbe
Elle est nocturne avec le cheval de ses jambes
Brisant la flamme enracinée en agonie
De cendre et de pur sable et de racines
Les étoiles tenant avec leurs mains la grille
Et regardant le froid tomber sur l'herbe noire
Touchée du feu, herbe aimée de la nuit vive
Sous la poussière céleste qui va s'éteindre
Puis mourir pour laisser briller l'esprit
Plus pur enfant que sa prison ses yeux de larmes
Dominant le Néant enfin néant le monde
Enfin livré à des armées passantes
Autour de la lampe restée dans la maison
Abandonnée et ne parlant qu'à sa pierre

"La lampe, lampe, dit l'aveugle, de loin venu
Très seul et porteur de musique, oui, c'est la lampe
Serait-elle encore allumée près du puits ?
Je tends la main vers votre table et c'est un fruit
Que je prends et qui viendra brûler ma bouche
Quand tous les fruits seront oubliés et perdus
Ce dernier fruit, poire ou raisin ou pomme,
Il restera dans ma parole intacte
Pour ceux qui n'ont jamais connu de fruit"

Le vieil homme ayant dit, sa bouche est un soleil
Et les soldats, les soldats aussi ont peur
A cause de cet or inespéré qui tombe
Ils sont dormeurs à l'abri des noyers forts
- Et la tristesse est dans leur sang un lis -
Errants dormeurs dans la nuit où ils attendent
L'arrivée courbe de leurs femmes sous le vent
Avec un saignement de mûres entre les jambes
Femmes couvertes par l'orage sexe nu
Brûlées par la disparition de l'homme

Rêveuse est celle-là
A l'ombre du grand sable
Et son corps d'oasis est brouillé par le vent
Le lac profond de ce qu'elle est est dans la pierre
Et donne aux anges du feu leur nom de pluie
C'est ici l'oasis ô femme ô vaine herbeuse
Avec l'aisselle herbue et la rivière
De ta joie forte et ce fracas d'emmêlement
De durs roseaux absolus par le désir
Ardeur de ces roseaux majeurs rompant la femme

Je salue le temps l'océan sa main de cuivre
Car il finira lui aussi par s'effacer
Toutes villes, ivres d'absence, le salueront
La femme absente marchera sous le vent dur
L'amande ouverte de son ventre désœuvrée
Impurement elle aura des mains de neige
Et son épaule aussi sera de fille impure
Fille rêvant d'un grand cheval surgi du feu
Où flambe sa crinière aussi de femme grande
En lieu de sable et de désir sous l'amandier
Blanchi par le hennissement des terres

Oh, mate et brune et tachée par le soleil
Est cette femme avec le lait, sa nourriture
Ses pieds sont épurés par l'éclat du métal
Et l'Arabie est celle entre ses seins
Qui vient dormir et manger le feu des seins
Son ventre est l'enfant du cheval ses dents sont noires
Elle a sa main pour protéger son œil des lunes
Ses jambes tombent dans l'étreinte et de ses plis
Monte soudain le cri d'oiseau, l'épervier mûr
Clou du soleil dans le dernier carré de cendre

Enfin la voici qui se lève et les scorpions l'ont habillée
De leurs constellations cruelles, la voici l'homme
Avec le jardin de son corps formé en femme
Qui ferme avec douceur ses yeux de songe
Sur ce sable à peine effleuré par la nuit
Où elle avance, barque désarrimée ou morte
Vers le céleste cygne éparpillée du monde
Innocent par amour
Et qui, dans le secret du sens, est son vrai bien

Le désert est partout sous le chant de la flûte
Plusieurs marins se sont déjà laissé dormir
A cause, entre eux, de la fête indivisible
Et de ce feu, entre eux, qui est la fin du sable
Sous l'assemblée debout des vents muets
A qui sera rendue justice, leurs yeux de verre
Observant par-delà le fil de l'horizon
La majesté du cheminement d'un insecte

Et nous voici ô mon amour face à face
Entre nous la très faible étoile d'une pluie
Nos mains sont prises de lumière et elles vivent
A travers le sable du jour et sa poussière
"Il faut dépoussiérer le sable", disais-tu
Et voici à la fin venir la neige
Voici, entre nous, la colombe décapitée

Nous avançons avec des chiens qui font silence
Vers une pierre ensevelie dans l'illisible
Et seulement elle est brûlante et seulement
Abritée par les hauts oiseaux du très haut ciel
Gardien du dieu de la contrée avec le taureau de ses ailes
Sous la lune, sous la violente lune, sous le soleil
Et ces fleurs, ces soucis, toutes ces fleurs
Autour imagineraient de ton visage
Allant avec le mien vers le lit du néant

Le prince de ce sable
Il est prince profond d'antiquité pierreuse
Avec des chats avec des pluies avec des roses
Derrière un scintillant silence d'intuition
De rien de rien de rien sont ses nuées perdues
A la limite de l'esprit mortes d'images
A la limite où le prince au nez cassé
N'a jamais vu d'images
Mais seulement la disparition de toute image

Et pourtant mon amour il y avait ce cheval
Avec son long hennissement d'azur
Et toi tes jambes fortes
A nouveau les voici marchant dans les prairies
Par les rues de la ville
Ni toi ni moi ni le cheval de cette ville
N'avons rencontré le poète et son enfant
Je porte en moi ô mon amour cet enfant mort
Comme un bouquet un fagot un enfant mort
Pour le donner aux rusées constellations
Qui vont bientôt s'éteindre

La lune et sa flûte impossible de lune
Son verger d'amandiers
Avec la neige autour de l'absolu des tombes
Soudain voici l'automne avec des pommes
Tout va se réveiller dans les yeux pleins de larmes
L'étonnement est enfin le roi du monde
Et déjà le sable a séché jusqu'au sel

Nuages oh mes nuages
La parole est-elle flèche en vous et l'arc-en-ciel
Dans les mains du poète chauve et ses doigts d'or
Qui sait la douleur de l'étoile en solitude
Et qui, la nuit venue,
Ira s'asseoir à côté d'elle et partager le lait ?

Rosiers, rosiers, rosiers !
Mettez fin à ce sable
Le cœur est coquillage avec le bruit des mers
L'océan s'étant retiré dans la douceur
Avec ses pieds d'hommes et de femmes

J'avance avec, entre les dents, l'épée du vent
Ce cœur vivant en moi ses racines tordues
Vers un nid de fourmis
Loin des arbres, dans la mélancolie des arbres,
O cœur vivant vas-tu prendre racine
A l'envers d'une terre impure allant aux sources
Et te laver dans la source enfin lavée ?

J'avance avec, entre les dents, l'épée du vent
Vers la nuit de l'esprit voilée d'insectes
Et tout ce ciel perdu au-dessus de la mort
Pour l'invention d'un désert impossible
Flûte impossible de la lune, flûte impossible de la vie
Ici où fût réglée puis ventilée la palme
Musique et mathématique œuvres de flamme

Beauté abstraite des falaises de tes jambes
Avec le long jasmin de leur malheur
Dans ce pays de rossignols près de la mer
Et le rossignol est un aigle : il parlera
Langage d'aigle avec le vent des sables
Au sommet de la dune
Où tient le point de l'écroulement du sable

"Quand la mémoire va au bois, cela fut dit,
Elle ramène un joli fagot"
Ici tout est mémoire
Ici ici tout est enfin mémoire
Il faut trouver l'issue
Il faut trouver l'issue
Il faut trouver l'issue

Salah Stétié

Tag(s) : #Salah Stétié, #Dans mon grenier
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