
Ils parlent à peu près
Comme vous et moi
Ils sourient à pleines dents
Mais
Pourquoi leurs rires sont-ils
Jaunes
Et leurs yeux larmoyants
Sont-ils fous d'envie
De rage
Ou de plaisir ?
Souriez-leur
Riez comme eux
Que vos yeux pétillent
Vous saurez
Peut-être alors
Les natures
De ces natures
Qui nous ressemblent
Presque comme deux gouttes
D'Oh !
II
Leurs mots sont comme les nôtres
Ils plaignent nos maux
Ils prennent d'assaut
Nos refuges
Nos remparts s'ouvrent
Nos bras aussi
Nos cœurs palpitent
Comme les souffles d'oiseaux
Nietzsche s'essouffle
Au large de Nice
Il expire
Sous le pont
Des soupirs
III
Commence alors
L'errance morale
Commence
La cavale
Dans les cafés
Dans les bouteilles
Sur les colonnes de l'alfa
La vie
Le rire
La mort
Bras dessus
L'horreur
Bras dessous
En chœur
Se jouent
Des mots
Sur les langues
Poreuse
De la motéine
Des discours
IV
Grâce à Dieu
La motéine
Comme divine
Embaume la cruelle
Réalité
Décompose la haine
En hache... En Ah !
Honnie
En haine
En eux
Et recommence
L'errance
Dans le café
Maure
Des vivants
Morts
L'œil dans l'horloge
Ultima forsan
V
Ailleurs
Dans le pays
La mort y vient
Pointer à son heure
Vers la faim
De l'après-midi d'été
Où grouillent
Des mômes téméraires
Des femmes voilées
Adultères
Des hommes nifés
En jachère
La rue
Fume la canicule
Et l'ombre
Happe les rescapés
Puis repart
Dans la nuit
De la tragédie
De l'Algérie
Rule tragedia !
VI
L'Algérie
Qui parle à peu près
Comme vous et moi
Pleure
Et sanglote
Les poètes
Hurlent
Et expurgent
La phobie embusquée
Dans le pylore
De cette terre violée
A volonté
En plein jour
En pleine fin
De siècle
A l'orée
De l'acte III
VII
Alors
Comme dans les épopées d'antan
Les fouilles livreront
Les sourires de leurs dents
Les rires jaunes du dedans
Les regards exorbités
Les crânes blancs
Qui fredonnent
Des airs
Du temps qui passe
Et repasse
Par les dix orifices
Mystérieux
En détresse
Ils rient à pleines dents
Qui sont-ils ?
Nosce te ipsum
Ils hurlent
Leur rage
A peu près
Comme vous
Ou comme
Moi
Le sauvage
A la perruque de jade.
VIII
Des mots
Des maux
Des morts
Le combat
L'ignominie
La cupidité
Azrem
Izerman
Les serpents
Regardent par l'entrebâillement
De la digne humanité
Smail Oulebsir - 1996