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"Ainsi l’Univers nous paraît comme un courant circulaire dont le sens est nécessairement inverse dans les deux arcs opposés : du pôle positif α au pôle négatif ω, le courant descend : c’est l’Involution, la descente de l’Esprit dans la matière ; du pôle négatif ω au pôle positif α, le courant remonte : c’est l’Évolution, la spiritualisation de la matière ; nous arriverons tout à l’heure à sa description.  Concluons pour l’homme : Nos sciences nous le montrent avec évidence sur l’arc ascendant et loin déjà du pôle négatif, puisqu’il est à la tête des trois règnes du monde terrestre. Il appartient ainsi au monde sensible de l’Univers ; le monument imposant de la science témoigne de la place qu’il occupe encore dans le monde intellectuel ; mais en même temps, ses erreurs, ses incertitudes, les lacunes énormes de son savoir, ses passions aussi, montrent assez qu’ici il n’est plus neutre comme dans le monde inférieur. — Quand au Monde divin, il le conçoit, il le pressent, mais c’est à peine s’il peut l’atteindre, par la foi plutôt que par la science. L’homme est donc un être qui dans sa ré-ascension est parvenu à la région moyenne et vers le centre de cette région : sa place est au milieu de l’arc ascendant entre les êtres supérieurs et ceux inférieurs de la création, dominant les uns, dominé par les autres, entre l’Ange et la Bête. Situation nécessairement pénible à cause de l’égalité des deux forces contraires qui y ralentissent l’ascension, véritable point mort qu’il faut vaincre par un effort spécial.

L’initiation est l’enseignement qui facilite à ce moment l’éclosion du papillon humain. Nous allons pouvoir comprendre maintenant en quoi elle consiste.

Les Anciens, avec la puissance ordinaire de leur génie synthétique, avaient symbolisé l’ensemble de l’involution et de l’Évolution par une suite de vingt-deux figures pleines de significations, qui constituent ce que les occultistes nomment les vingt-deux Grands Arcanes. En prenant les dix premiers comme description de l’Involution, on trouve dans les autres les phases successives de l’Initiation, telles que les décrivent les douze heures (ou sentences) qui constituent le Nuctemeron attribué à Apollonios de Thyane, et que nous allons énumérer. Il faut d’abord, et pour plus de clarté, revenir un instant encore sur l’évolution : En fait, son analyse n’est pas complète avec les dix termes qui nous ont conduits au Cosmos, équilibre dynamique de la Force et de la Matière. Ce Cosmos peut s’analyser à son tour en deux principes que toutes nos sciences montrent en conflit dans tout mouvement de la matière, savoir : l’Actif et le Passif (mâle et femelle des organismes, acide et base de la chimie, pôles opposés de l’électricité, etc...). C’est seulement dans leur équilibre absolu que réside la matière complètement inerte, le pôle insaisissable exactement opposé à l’α ; l’ω de l’Univers.

Les occultistes ont représenté cette 4e tétraktis, dont le Cosmos est le premier terme (la tétraktis du monde inférieur, in fera, des enfers), par les onzième, douzième et treizième arcanes. Le dernier, celui qui porte le chiffre 13, si généralement redouté, mérite d’être signalé. Il se nomme la MORT et la RÉSURRECTION : c’est là, en effet, qu’est l’Inertie absolue, mais c’est là aussi que l’Involution s’arrête, et que l’Évolution commence, car l’équilibre des deux principes actif et passif ne persiste jamais.

Cela semble en contradiction avec la remarque précédente que la description de c’est-à-dire de la ré ascension, débute par l’arcane 10 et non par le quatorzième. Il n’en est rien, cependant, et voici pourquoi : dans l’Évolution, l’être doit reprendre en sens inverse, pour en faire la synthèse, tous les étages à travers lesquels l’α s’est désintégré dans le cours de l’involution. L’homme est le résultat actuel d’un travail de ce genre antérieur à son état présent, mais ce travail, qui l’a élevé depuis jusqu’à l’étage de la Volonté, il n’en a pas conscience ; il l’a subi seulement sous la pression fatale de la Force pure d’abord, puis de l’instinct, des désirs, des passions ; il ne connaît donc pas son évolution antérieure et cependant comment pourra-t-il se rendre maître de quelqu’un de ces mondes sans les connaître tous ? Sa première opération dans l’Initiation doit donc être de redescendre jusqu’à ses début : dans l’Évolution, de prendre connaissance de tous ses degrés, de toutes les forces, de tous les êtres qu’il y a traversés, de plonger, pour ainsi dire, jusqu’aux racines de la vie, jusqu’à la Mort, et d’apprendre à la dominer. Ce n’est point-là, comme on va le voir, une figure ; le Néophyte ne peut arriver à l’exercice certain, volontaire, des facultés transcendantes sans se rendre maître des forces qui y produisent l’illusion, qui menaceraient sa vie même ; sans atteindre l’Inertie et la vaincre. Il faut que comme le Christ, modèle de l’homme régénéré il expire sur la croix et ressuscite le troisième jour, c’est-à-dire après être descendu à travers les trois derniers degrés représentés par les arcanes 11, 12 et 13, jusqu’au fond des enfers, pour y trouver la Mort et la dominer. Cela compris, décrivons les douze heures ou phases de l’Initiation.  L’arcane 10, première heure de la série, correspond à l’étage où l’homme se trouve dans son étal actuel. Le symbole de cet arcane est ce Sphinx qui gardait l’entrée du monde égyptien ; le Néophyte descendait entre ses pattes dans le souterrain qui devait le conduire au sanctuaire, à travers une série d’épreuves, image et noviciat de la descente dont nous venons de parler.

Cette heure est donc celle des préparations ; elle sépare la vie commune de la vie transcendante ; on y apprend quels travaux doivent être entrepris et l’on s’y dispose. Voyons comment : La tête humaine du Sphinx, foyer de l’intelligence, dit au Néophyte « Acquiers d’abord la Science qui montre le but et éclaire le chemin. » — C’est l’enseignement théorique indiqué plus haut. Ses flancs de taureau, image du labeur rude et persévérant de la culture, lui disent : « Sois fort et patient dans le travail. » Ses pattes de lion lui disent : « Il faut, oser et te défendre contre toute force inférieure. » Ses ailes d’aigles lui disent : « Et vouloir t’élever vers les régions transcendantes où ton âme touche déjà. » La question attribuée au Sphinx grec et la réponse qu’il y fallait faire offrent une image non moins expressive de l’homme et de son but. — C’est lui l’animal qui le matin (c’est-à-dire à l’enfance de l’humanité) porté sur 4 pieds (4 étant le nombre de la réalisation exprime la matière et ses instincts, le monde sensible) à midi (c’est-à-dire dans l’âge viril de son humanité) marche sur 2 pieds (2, nombre d’opposition, image de la science, de ses contradictions, de ses doutes, du monde intelligible) — et le soir (quand sa journée s’achève) marche sur 3 pieds (3, nombre du monde divin, où la Trinité donne la solution de toutes les oppositions, de toutes les antinomies par le terme supérieur, synthèse harmonique des deux termes contraires). Apollonius décrit cette même heure par ces mots : « Ici le Néophyte loue Dieu, ne profère pas d’injures, n’inflige plus de souffrances » — autrement dit,  apprend à connaitre la Création théoriquement et s’exerce à dominer ses passions. Arrêtons-nous un instant à la concordance de ces prescriptions diverses.

Nous avons vu l’homme arrivé sur l’arc ascendant, disputé entre les forces d’inertie, inférieures, qu’il vient de traverser sous l’impulsion de l’instinct, et celles actives qui l’attirent vers le haut : nous avons remarqué qu’il faut maintenant décider de la lutte par l’intervention de la Volonté, développée suffisamment par l’Évolution, et suffisamment libre pour se ranger d’une ou d’autre part : il peut donc se décider ou pour les forces inférieures, de désintégration, ou pour celles supérieures, de synthèse ; c’est ce qu’il nomme le Mal et le Bien : Mal en effet pour lui parce qu’en redescendant il retrouvera les affres de la décomposition, de la Mort. — Bien, au contraire, s’il remonte, parce qu’il jouira de la réalisation de ses aspirations naturelles, la connaissance et la domination de la Création. Or, où est dans l’organisation humaine l’indice des forces d’inertie ? — Dans l’instinct, les passions. Où est, au contraire, l’indice des forces actives ? — Dans l’énergie morale, la Vertu. Où est dans l’organisation humaine l’indice des forces de désintégration qui ramènent à l’inertie ? — Dans la tendance à l’isolement, dans l’égoïsme. Où est, au contraire, l’indice des forces intégrantes ? — Dans la tendance à la solidarité, à l’altruisme, dans la Fraternité. Donc, le monde transcendant est ouvert à quiconque aura la Volonté (ou même l’impulsion artificielle) suffisante pour triompher des forces qui le gardent, mais malheur à qui l’abordera avec un cœur passionné et égoïste : celui-là se replongera tête baissée dans le courant de décomposition pour s’y dissoudre : la Nature détruit le Mal ; c’est la loi de sélection ! Celui-là seul dont le cœur sera plein de charité pourra s’élever selon la destination véritable de l’être humain dans la région des Principes. C’est pourquoi le Sphinx prescrit avec la volonté persévérante du Taureau, le courage du Lion contre les forces passionnelles ; c’est pourquoi Apollonius prescrit la réserve et la fraternité, avec l’Évangile qui y met la source de la Loi. Telle est donc, avec la science, la préparation à l’Initiation : nous verrons bientôt la sanction de ces préceptes.  Le Néophyte suffisamment exercé à ces préliminaires de la première heure descend les trois degrés inférieurs comme voici :

ARCANE XI : La Force

Deuxième heure d’Apollonius : « Les abîmes du feu, — les vertus des astres se ferment en couronne il travers les dragons et le feu » (la chaîne magnétique). Le Néophyte apprend à connaître dans son propre organisme la Force universelle et son double courant positif et négatif. Cette connaissance va trouver son application dans les deux heures suivantes :

ARCANE XII : Le Grand-œuvre

Troisième heure d’Apollonius : « Les serpents, les chiens et le feu. » Première manipulation de la force appliquée extérieurement à la matière inerte pour y opérer les transmutations : c’est L’Alchimie. Arrivé à ce degré pratique, le Néophyte doit, au moral, être prêt au sacrifice complet de sa personnalité ; il doit en langage alchimique, avoir détruit par le feu sa nature fixe pour la volatiliser.

ARCANE XIII : La Mort

Quatrième heure d’Apollonius : « Le Néophyte erre dans les sépulcres et il lui sera nui : il éprouvera l’horreur et la crainte des visions ; il devra se livrer à la magie et à toute pratique goétie. » C’est la Nécromancie, application de la Force à la domination des êtres vivants inférieurs : Élémentaux, ou organismes prêts à se synthétiser, et Élémentaires, restes des défunts, en voie de désorganisation. Au moral, le Néophyte doit mourir à la vie ordinaire pour entrer dans la vie spirituelle ; l’homme céleste va naître du cadavre de l’homme terrestre. Les bas-fonds de l’univers sont atteints ; le néophyte touche à l’extrémité de l’aura terrestre, atmosphère sublunaire qui entoure toute planète, comme le réservoir des éléments de sa vie ; le voici au moment terrible où il faut perdre terre pour se lancer dans l’océan des espaces ; crise redoutable à laquelle deux périodes sont consacrées. La première est transitoire.

ARCANE XIV : Les deux Urnes (les fluides terrestres et célestes)

Cinquième heure d’Apollonius : « Les eaux supérieures du ciel. » On y prend connaissance de l’afflux des courants astraux dans l’aura planétaire, comme dans la deuxième heure, on a pris une connaissance préliminaire de la Force avant de s’y exposer dans l’heure suivante.

ARCANE XV : Thyphon (l’ouragan électrique)

Sixième heure d’Apollonius : « Ce qu’il faut ici est de se tenir coi, immobile, à cause de la crainte. » Le Néophyte s’expose à découvert au double et formidable courant fluidique des espaces célestes qui emporte sans merci l’ignorant ou l’imprudent, mais élève le fort suffisamment purifié. Silence, prudence, courage ! Selon vos mérites, vous serez ravi comme saint Paul, ou vous vous exposerez soit à la folie, soit même à la spiritualisation du mal, à la sorcellerie. C’est le Sabbat ou l’Extase ! L’attention du lecteur ne peut trop s’arrêter sur ce moment solennel de l’occultisme pratique si bien figuré dans le roman de Lytton (Zanoni) sous le nom de Dragon du seuil ; c’est l’écueil redoutable qui nécessite tant de secrets ; on y arrive, à ce seuil, par bien des voies artificielles : le haschich, les narcotiques, les hypnotisants de tous genres, les pratiques de la médiumnité spirite ; mais malheur à qui s’y présente sans avoir triomphé dans la longue et laborieuse préparation préliminaire ! Son sort nous est dépeint par l’arcane suivant :

ARCANE XVI : La Tour foudroyée

Septième heure d’Apollonius : « (Le feu) réconforte tous les êtres vivants, et si quelque prêtre, homme pur, le dérobe et le projette, s’il le mêle à l’huile sainte et qu’il la consacre, et qu’il en enduise quelque partie malade, elle sera délivrée de la maladie. »

Le courant irrésistible a touché celui qui s’expose à son tourbillon sur les sommets terrestres : si l’audacieux est impur, la désorganisation le menace, plus ou moins complète selon son indignité intellectuelle ou morale et son énergie (mysticisme, incohérent, folie, mort ou désintégration complète figurée par le génie du mal, le Diable) ! Est-il digne, au contraire, des régions supérieures, ce baptême du feu le fait Mage ; les sources de la vie terrestre sont à sa disposition ; il devient Thérapeute. Arrivé à ce point, il va apprendre à connaître progressivement les espaces célestes comme il connaît la sphère terrestre, et à y dominer : trois heures sont consacrées à cette exploration :

ARCANE XVII : L’Étoile des Mages

Huitième heure d’Apollonius « Les vertus astrales des éléments, des semences de toute sorte. » C’est la région des principes du système solaire : la vie y devient claire ; sa distribution du centre solaire à toutes les planètes et leurs influences réciproques sont compris dans tous leurs détails, dans ce que les occultistes nomment les Correspondances. L’Initié possède alors l’Astrologie prise dans toute l’étendue de son acception.

ARCANE XVIII : Le Crépuscule

Neuvième heure d’Apollonius. « Ici rien de fini. » L’initié étend maintenant sa perception au-delà de notre système solaire, « au-delà du Zodiaque » ; il arrive en vue de l’infini ; il touche aux limites du monde intelligible ; la lumière divine commence à se montrer, objet de terreurs et de dangers nouveaux.

ARCANE XIX : La Lumière resplendissante

Dixième heure d’Apollonius : « Les porte du ciel sont ouvertes et l’homme renait docile, dans le sommeil léthargique. » L’Idée apparaît à l’âme régénérée de l’Initié, ou, dans le langage de l’oculiste : le soleil spirituel va se lever pour lui ; il va, par une renaissance nouvelle, entrer dans le Monde Divin, où l’on ne meurt plus.

Deux pas y restent à faire pour accomplir les plus hautes destinées humaines :

ARCANE XX : Le Réveil des morts

Onzième heure d’Apollonius : « Les Anges, les Chérubins, les Séraphins volent avec des bruissements d’ailes ; il y a de la joie dans le ciel, et la terre se lève, et le soleil qui sort d’Adam. » C’est la hiérarchie du monde Divin qui apparaît sur des terres et dans des cieux nouveaux. L’Initié n’aura plus à traverser la mort ; il vivra désormais sans interruption.

ARCANE XXII : La Couronne des Mages

Douzième heure d’Apollonius : « Les cohortes du feu se reposent. » Nirvana ! Le retour complet à l’α.

Est-il nécessaire d’ajouter combien chacune de ces heures exige d’efforts et de temps (d’années, de vies, de siècles souvent), combien sont rares ceux qui franchissent même les premiers degrés

Ce que nous pouvons attendre de leur connaissance, c’est, avec l’espoir d’un progrès indéfini vers la réalisation de nos plus radieuses espérances, le désir d’atteindre au moins aux premières réalisations pour y puiser l’assurance des autres ; c’est la confiance dans les enseignements de ceux que nous pouvons reconnaître comme des maîtres avancés déjà, c’est, enfin, la certitude que, dans ces enseignements féconds, nous pouvons trouver le salut de nos sociétés en souffrance aussi bien que les joies individuelles les plus désirées. Et ces désirs, cette confiance ou les ressent dès les premières études préliminaires. Pour y réussir, nous n’avons tout d’abord qu’un travail à entreprendre, celui que nous dépeint le Sphinx : les préparations intellectuelles et morales. Mais celui-là seul qui les a sérieusement entreprises sait quels efforts considérables et persévérants elles exigent ! Puisse ce grossier aperçu inspirer au lecteur le désir et le courage de s’y livrer avec toute l’ardeur de l’Espérance !

F.-CH. BARLET.

(Extrait du Tarot des Bohémiens de Papus)

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