Les métaphores sont-elles comme les doryphores ?
Des bébêtes à pomme de terre, des bibittes à patates, en terres grasses du Québec.
Petites bêtes du bon lieu, celui de l’écriture, elles vous boivent le sang des yeux, sans vergogne s’accouplent devant vous, et vous rongent la langue comme on mâche sa feuille ou le bout d’un crayon.
Pour vous exténuer, extraire le jus de vos œuvres, elles vous empêchent de dormir, s’immiscent dans vos rêves les plus profonds, pour sucer les images au puits de l’inconscient.
Tel le pire cauchemar, celui d’une métamorphose, elles se jouent des auteurs, inspirent comme dans un jeu de mauvais mots, font des effets de style qui réveillent les consciences en parlant d’autres choses.
Que ce soit sur des feuilles de papier cru, cuit, mat ou glacé…, prose ou cliché, c’est toujours les mêmes effets et d’identiques dégâts des mots !
Peur des écrits, foliation ralentie en pleine page blanche, ou défoliation totale en vos carnets de poésie, elles anéantissent tous vos espoirs sur leur passage ; comme les pirates des Caraïbes, les métaphores ont des élytres rayés de noir, elles cornent les images.
Ces porte-lances touchent les mots en pleine cible, en plein cœur elles déchirent et détournent le sens des phrases, portent la poisse comme lunettes de mauvais œil !
Lignées de noir aux plants du désespoir, bien pire que les pucerons des plus infectes critiques, elles parasitent mes plans de ciel, et le champ plat de mes clichés de glèbe.
En images ou en parole, elles sont partout dans mes plantations !
Elles résistent à tout !
À la folie, à l’amour, à la passion et aux insecticides les plus académiques, à la grammaire comme aux pires électrochocs ; elles contrarient mes plants, mes astuces et mes traitements par psychotropes; elles sont terribles !
Même entre les lignes, même à mi-mots, les métaphores sentent mauvais du sens et restent voraces ; telles des locutions enragées, dangereuses à manier ; dans le doute, je protège mon Bic et mon encre mêlée de dichlorodiphényltrichloroéthane à forte dose.
Entre les allusions et les allégories, seules les larves de coccinelles maculées d’humilité et de patience, sont des défis aux doryphores, mais des délits pour la littérature.
Elles semblent venues d’un ailleurs et parler une langue inconnue des mortels ; elles procèdent subrepticement de la pire rhétorique, qui consiste à tout chambouler du sens commun. Elles mettent le bon sens, sans dessus dessous, utilisant le plus concret pour dire le plus abstrait, le plus simple pour exprimer le plus complexe...
Sans complexe, elles sont incorrigibles ! Car, entre nous, les métaphores et métamorphoses du réel ne peuvent-être que doryphoriques !
Doryphorme, anamorphoses, échos des homophonies dans la spirale des homologies, ressemblances et images au cœur des métamorphoses …
les métaphores pondent-elles des œufs ?
Les bambins font-ils des mots d’enfant, ou les mots eux-mêmes nous font-ils des gosses ?
Les poètes jouent-ils avec les mots ou les mots se jouent-ils d’eux ?
En guise de réponse, au cirque du langage, le juste milieu ne relève-t-il pas de la ténacité face aux apparences !
Lutter contre l’abstraction et ralentir l’attraction des évidences, le combat n’est –il pas le même ? En un juste milieu, en terre du milieu, là où les doryphores se font les plus métapho-risques, pour dire où pour aller vers autre chose, comme dans une vertigineuse succion ?
Entre l’apesanteur des images et la pesanteur de la réalité, l’humain reste en suspens, la main dans le vague; la prégnance des signes et des symboles semble vouloir nous libérer quelque temps de notre contingence ; mais lourdeurs et grâces en définitive se confondent, puisqu'ils relèvent du même principe :
DIRE LA CHOSE.
La chose même des mots, la chose du réel, dans le continuum espace-temps, par une sorte de prise de parole brutale et mouvementée, comme si, la métaphore était un art martial, dans lequel le Verbe lui-même, nous prenant aux mots, nous faisait quelques prises de doryphore.